Les malchanceux B S Johnson
Réfléchir sur le fond et la forme. Ne pas (juste) poser des mots sur une feuille pour faire des phrases et allez soyons fous, une histoire. Tenter, oser, se planter peut être mais avoir fait autre chose pour aller ailleurs (ou plus loin).
B S Johnson est un illustre inconnu chez nous, il jouit chez lui en Angleterre d’une certaine aura, mais ce ne fut pas et ce n’est pas un best seller….Etonnant, quand l’on sait que Jonathan Coe lui vaut un culte qui lui fit même écrire une biographie de l’homme. Etonnant d’autant plus quand on se retrouve avec les malchanceux entre les mains, car c’est un livre mais aussi une boite, un objet expérimental foncièrement évident, foncièrement génial.
Les malchanceux, c’est le retour de B S Johnson à Nottingham pour couvrir un match de football un samedi. Arrivant par train, dés son arrivée il est submergé par des souvenirs, car il connaît cette ville, il y vint il y a des années de cela, car il y avait un ami, Tony, mort ensuite d’un cancer. Errant dans la ville, B S Johnson se souvient de Tony, grâce (à cause) d’endroits, de rues.
Ce flot de souvenirs, B S Johnson ne veut pas le hiérarchiser, l’organiser, partant du postulat (juste) que les souvenirs, les réminiscences ne se classent pas, vont et viennent au gré de l’humeur, d’étincelle. Nous n’avons donc pas un livre classé mais 27 livrets, que l’on peut lire dans l’ordre que l’on veut (hormis le premier et le dernier, intitulés comme tel), pour jouer à la roulette de la mémoire.
Les malchanceux, c’est Tony l’ami parti trop tôt, fauché trop jeune et à qui B S Johnson veut rendre hommage.
L’idée de ce « non » classement est géniale et le résultat final l’est tout autant. Le seul bémol que je mettrai est que même si B S Johnson nous laisse le choix d’errer dans sa mémoire, il y a quand même une chronologie dans ce samedi et en piochant au hasard, on peut avoir le compte rendu du match avant l’arrivée au stade par exemple. L’écriture est presque instinctive comme l’est le cerveau quand des étincelles déclenchent des souvenirs. La forme et le fond font emporter l’adhésion du lecteur à ce livre, et l’expérience est tellement nouvelle ( alors que le livre a 30 ans) que tout amateur de livre se doit de tenter l’expérience.