Lettre ouverte à madame l'identité nationale
Ou bien plutôt lettre ouverte à une chère inconnue, parce que je ne sais pas pour vous, mais pour moi l’identité nationale, c’est une vaste inconnue.
Alors ma chère identité, je pense que tu dois être fière en ce moment. On ne parle presque que de toi, cela va et viens comme les marées, tu apparais et disparais au gré des humeurs et des médias. En engageant Eric Besson cependant, tu a fait un choix qui est à la fois payant et destructeur. En attaché de presse pour faire le buzz, il a fait le travail sauf qu’il a un peu noyé le produit tout de même et du coup ton image de marque s’est un peu floutée…la preuve on parle de toi mais je ne sais pas qui tu es.
On a finalement l’impression que le débat porte exclusivement sur des questions que ne renierai pas le Figaro, pour ou contre les musulmans, pour ou contre ce qui n’est pas comme nous, pour ou contre voile, tchador ou burka.
J’avoue que jusqu’ à présent, cette question sur l’identité (mon identité ?), je ne me l’étais jamais trop posée, croyant même que le national avait en partie disparu avec l’Europe, et que la notion de nationalité à l’heure du libre échange n’avait plus trop de valeur…ah oui c’est vrai, cette notion est valable pour les marchandises, l’argent mais pas pour les hommes, ce qui définie bien la société dans laquelle on vit ?
On lit ici ou là des portraits de gens qui aujourd’hui doivent prouver qu’ils sont français pour renouveler leur passeport ou carte d’identité, tout cela devant les yeux de fonctionnaires qu’on imaginerait bien sous les traits d’un Régis Laspales, goguenard et bandant avec son petit pouvoir qui a du rendre heureux plus d’un collabo . La situation pourrait prêter à sourire, si ce n’est que j’imagine aisément la violence psychique que doivent ressentir les gens à qui cela doit arriver, prouver ce qu’ils pensaient être acquis…et retrouver des documents vieux d’une ou deux générations….
Alors on débat sur toi dans nos fermes et nos campagnes (ah non c’est vrai on égorge nos compagnes dans les fermes dans la marseillaise), dans les préfectures. Dans les comptes rendus glanés ici ou là, c’est que les gens ne se positionnent pas sur ce qu’ils croient être l’identité nationale, mais plutôt sur ce qu’ils ne veulent pas voir rentrer dedans (en résumé, noir, arabe, asiatique, toute religion autre que catholique ou protestante). Le débat n’est pas sur ce que l’on voudrait ce que soit la France et son identité demain, mais plus sur l’image d’Epinal qu’un certain nombre de personnes s’en sont faites, à ce rythme, on pourrait presque revoir un roi, l’église associée à la royauté ( pardon au gouvernement) et Versailles à la place de l’Elysée.
Cela me fait penser à un coquillage qui se ferme, une huitre ou une moule, un gastéropode se planquant dans sa maison de peur que de méchants gens viennent l’attaquer et lui prendre ce qu’il a et déranger la routine et les images mentales de son quotidien.
Le plus amusant est que dans un pays aussi laïc que la France, c’est que la question de religion revienne autant sur le tapis, là pour moi il y a mystère. La plus grande majorité des français dits chrétiens ne va pas à la messe mais alors un musulman qui va à la mosquée, ouh lal la attention danger…. Elle est peut être là tapis ici la notion d’identité nationale, demander aux autres qui veulent être français de faire ce que nous même ne faisons pas nous même. Je pense d’ailleurs à cette notion de langue qui doit être connue et me dit parfois en entendant certaines tournures de phrases, que plus d’un français ne pourrait passer ce test de langue…
Enfin le plus étonnant est que malgré tout ce que l’on fait subir aux gens qui veulent devenir français, c’est qu’ils le veulent toujours et cela prouve qu’ils ne sont pas rancuniers et que donc par principe il faudrait leur octroyer l’identité française, car se faire malmener comme cela et y croire et le vouloir encore… L’image de notre pays est bien plus forte que l’identité qu’on veut bien lui donner.
En espérant que tu ne restes pas trop sur le devant de la scène et que tu retourne dans une cave quelconque, que l’on puisse plutôt se préoccuper d’avenir, d’emploi, d’économie, de développement durable, bref regarder devant mais pas derrière et que l’on puisse se réinventer plutôt que de se statufier.
Bien à toi
Bartllebooth
P.S. : si tu croises Eric, tu peux l’emmener avec toi à la cave sil-te-plait, cela lui fera du bien et à nous aussi, et aux immigrés clandestins, enfin à plein de monde en fait.