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le blog bartllebooth Blog de vieux con

Michon, michonons épisode 2

Bartllebooth

Voici donc la suite de ce qui démarra en boutade et qui se transforme en pingpong de création. Hélène ne veut suivre que la partie minuscule, je vais  donc sur ses traces et vous trouverez ma suite. Pour ceux qui n’ont pas lu l’épisode 1, c’est ici, ensuite en rouge ce qu’a créé Hélène et ma suite.

 

 

Alors il faut que je vous dise un peu de cette femme qui fut ma mère, un peu de cette femme qui m'a fait naître dans la besogne... car c'est ma mère, quand même... J'ai su plus tard. Le sang qu'elle avait perdu, le mal que ça lui a fait quand je suis venu, quand j'ai déchiré son corps pour naître. C'était le sang ajouté au sang car il faut que je dise aussi à sa décharge :  un jour, un homme, de passage dans la campagne creusoise, l'avait prise et l'avait saignée et elle avait saigné en silence parce qu'elle ne savait pas comment faire autrement.... pendant  neuf mois, elle a porté le goût de ce sang dans son ventre, un sang qui grandissait en elle, le sang nourrissier de l'opprobre. Innocent ! pourtant, innocent ! car moi, qu'est-ce que j'avais à voir avec tout ça ? .... J'étais comme tous les autres dans un corps de mère à venir, un foetus qui devient quelqu'un qui doit naître. Et c'est pourquoi, naturellement, je suis venu, un jour. Je suis l'innocent nourri au sang du viol. C'est pourquoi je dis que je suis né dans le sang... Plus tard, j'ai eu l'âge du questionnement, alors j'ai demandé où il était, mon père : elle m'a dit : "il est là" Et elle m'a montré sa bouche aux dents brisées... Plus tard, un peu plus tard, elle m'a dit : "ton père, il est là". Et elle a montré, - et j'ai vu ce jour-là combien son doigt était sec et sans amour -  oui, elle a touché, là sur mon visage, la tache de vin qui le défigure. Ma tache de vin... la tache du sang de ma mère... à jamais gravé sur ma peau. Ma tache de vin, c'est la vengeance de ma mère sur mon père... Mais c'est elle qui me l'a faite, elle et elle seule.... et je l'aime comme une justice de la vie sur la honte. Je l'aime comme j'aime peut-être ma mère. Ma tache de vin, elle a cette forme étrange de la femme qui a saigné et qui n'a pas su aller au-delà du sang, qui n'a pas su pardonner ... C'est quelque chose qui a une forme de carte géographique, carte d'un pays haï, honteux et coupable : c'est le legs de ma mère sur mon visage innocent. Il faut que je le dise, et il faut aussi que je vous la décrive, la tache.... elle est là sur moi, en moi, dans le regard des autres, dans le regard des miens, sauf peut être dans mon propre regard sauf si par hasard vous croisez ces objets qui reflètent non pas ce que vous êtes  mais ce que vous représentez aux yeux du monde. Cette face flottante d’un iceberg, dont pourtant le dessous est infini vous apparait alors dans son mensonge le plus nu et dans sa vérité la plus triste. Plus tard, bien plus tard, cette tache j’y trouverai, j’y chercherai une signification, un sens, comme si moi, ce visage, ces deux couleurs ne pouvaient que représenter l’Homme dans ce qu’il a de plus beau et de plus sale, comme si j’eu pu être le yin et le yang humain.

Elle court le long de mon visage s’abrogeant  une moitié plus ou moins claire dans sa verticalité. Ni traits droit, ni angles, juste des courbes, des virages, comme le corps d’une femme mais ces courbes ne me rendaient pas l’attrait des rondeurs  d’une femme, elles créaient juste dans le regard des autres de la peur de la gêne et parfois de la haine.

Pour ma mère, cela lui rappelait  juste cet épisode si court dans le temps, de souffrance due au hasard et cette honte qui resterait à jamais en elle, sur moi, entre nous et les autres.

Bien sur en famille, on faisait  comme si, comme si de rien était, comme si tout cela pouvait être naturel (cela l’était naturel, mais de cette nature sauvage, indomptée que n’accepte pas l’homme depuis la nuit des temps)  mais le monde ne se terminait pas au cercle familial d’une ferme  creusoise. Il y avait une vie en dehors, proche et lointaine à la fois, quelques kilomètres sur des chemins boueux et une ville (qui n’était en fait qu’un pauvre village, mais ca je ne le saurai que plus tard quand j’aurais parcouru la saleté du monde). Là, là bas, je n’étais plus que ce visage, cette tache, peu de significations sur l’historique de celle si, mais juste la haine de ce que tous auraient pu être. J’airai pu vivre reclus, enfermé, un St François d’assise des tachetés, des lies de vin, mais non il fallait un jour ou l’autre s’ouvrir au vaste monde et à sa cruauté par le biais d’une école de village.

 

Ma chère Hélène, la balle est de nouveau dans votre camp

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